James Bond contre Dr No

Dr No est amusant à lire, mais c'est aussi une déception. Le premier problème est que James Bond est mort dans le roman précédent, From Russia with love. Bond a été réanimé et n'a subit aucune séquelle. Il est encore en convalescence quand même, donc M l'envoie sur un job simple, une disparition d'un agent MI6 et de sa secrétaire. Sûrement une escapade amoureuse selon lui.

Les oiseaux sont absents de la version cinéma (qui selon moi, est l'un des deux seuls films à réellement améliorer le roman avec L'espion qui m'aimait), alors qu'ils jouent un rôle central. Leur présence est pourtant ridicule, et leur contribution à la mort du Dr No est surment la plus stupide de la série de romans. Quand on sait que Fleming a choisi le nom de son héros selon celui d'un ornithologue renommé, ce roman y gagne et le film lui y perd un peu !

On remarque que Fleming a fait appel cette fois aux muscles de Bond, plus qu'à son cerveau, ce qui est rare. Il est davantage un homme d'action et les situations qui devraient alerter les autorités locales tellement elles accusent No, sont relevées seulement par Bond...
Le livre est essentiellement une chaîne de scènes d'action, entrecoupées de descriptions caractéristique des habitudes alimentaires de Bond. C'est là où Fleming est le meilleur surtout sur les descriptions d'une région qu'il connaissait parfaitement !

Dans l'ensemble, j'ai le sentiment que Ian Fleming était fatigué de son personnage principal et a voulu écrire un autre type de livre.

C'est à partir de Dr No en effet que Fleming aurait ressenti une certaine lassitude. Bonne remarque qu'il a souhaité changer de type d'écriture, ça se remarque nettement c'est exact.

Dr No commence sur un tempo lent mais termine fort. Reprenant quelques semaines après la conclusion de From Russia with Love, M est déterminé à garder Bond, mais plus par un sentiment de loyauté au regard de ses états de service. Il l'envoie sur une mission sans doute facile. Bond n'est pas dupe de la mansuétude de son supérieur.

Bond a le pressentiment une fois sur place que les évènements sur l'ile de Crab Key ont un lien avec la disparition de l'agent MI6 et de sa secrétaire.
Fleming maintient longtemps le personnage de No dans le mystère et c'est une bonne façon de soutenir le suspense si l'on parvient à se mettre "hors du temps" en lisant le roman comme si on avait jamais vu le film.
J'essaye (parfois difficilement...) de lire Fleming comme ils étaient : des romans vierges de toute adaptation cinéma.
Ce qui devient difficile ici avec Honey Rider, car Ursula Andress a totalement habité le personnage et dans le roman elle est vraiment un faire-valoir. Il est plus simple de se figurer un "autre" James Bond ! Sa description est assez difficile a accepter avec son nez cassé. Je vais passer pour un "original" mais je me figure Honey dans le roman comme ressemblant à la journaliste (superbe par ailleurs) d' I-Télé Amandine Bégot.



Tandis que le premier tiers est plat, l'histoire s'améliore considérablement une fois Bond sur Crab Key. Le suspense monte crescendo.
L'apogée du roman est lorsque 007 est soumis au "parcours de la mort" comme je le nomme, concocté avec un sadisme inégalé dans la série des romans. Ce passage a été médiocrement adapté dans le film. J'en profite pour dire que j'aurais préféré voir dans ce film Patrick McGoohan dans le rôle...C'est lui que je vois quand je lis Fleming.

Quand on me demande par quel livre commencer la découverte de Fleming, je tente de faire lire Dr No avec un regard neuf qui permette de découvrir le talent de ce romancier.

J'approuve ton choix concernant Amandine Bégot. Une excellente journaliste et un sex-appeal ravageur.
Le roman maintenant. C'est l'un des meilleurs livres que j'ai lu.
Il est bourré d'action et de suspense. Il est écrit avec beaucoup de détails mais conserve un rythme soutenu. Honeychille Rider est, avec Vesper, celle que Fleming a rendu la plus attachante. Je préfère Quarrel à Leiter qui m'a toujours agacé. Quarrel a une grande affection pour 007 et ce dernier la partage.

Je ne suis pas d'accord concernant le fait que Fleming fait ressentir une "lassitude" à partir de ce roman. Dans Thunderball oui, dans un certain sens. Déjà dans Goldfinger, Bond n'a plus le "mordant" qu'il a dans Dr No.
La partie du roman avec Boothroyd qui donne un cours sur les armes est un moment d'anthologie.

Dr No me fait penser à une sorte de récit d'aventure à l'ancienne. Il est facile de voir pourquoi il a été choisi pour être le premier de la série de film. L'action a un périmètre très réduit (une île !) et c'est majoritairement l'action qui domine. Comme on l'a dit plus haut, Bond agit plus qu'il n'a à penser.

Dr No est largement considéré comme atypique par sa prose austère et simple. J'aime particulièrement dans ce livre les traditionnelles descriptions de Ian. C'est vrai par ailleurs que Quarrel est un homme simple mais un assistant efficace et avisé, bien loin de celui du film, mais très proche du Quarrel de LALD en revanche !

J'ai remarqué également que bien des astuces que le film attribue à 007 viennent à l'origine de Honey, comme respirer sous l'eau à l'aide de bambou. Bond apparaît assez démuni dans la jungle du Dr No, un agent plus à l'aise dans la jungle...urbaine !

L'idée qu'Honey possède une autre forme d'intelligence, acquise par elle-même loin de l'école, orpheline, alors qu'elle aurait pu devenir une fille de mauvaise vie m'a beaucoup plus de la part de Fleming qu'on a souvent décrit comme sexiste et raciste... Malheureusement à la fin du livre, Fleming retrouve ses vieux démons : elle est réduite à polir l'argenterie familiale et préparer le diner.

Il ya aussi le détail de nez cassé. J'ai trouvé cela difficile à croire qu'un médecin ne pouvait pas lui venir mieux en aide. Ensuite, il ya son ambition de se faire une chirurgie pour devenir call-girl. Pourquoi ne veut-elle pas devenir zoologiste puisqu'elle connait parfaitement la faune ??
Une femme qui a été violée NE PEUT PAS vouloir devenir call-girl. C'est absurde.

Kingsley Amis a souligné le peu d'affection de Fleming pour les femmes en général. Ce livre, à ce niveau est révélateur. Il essaye de faire d'Honey une héroïne en devenir, mais finit par la ramener à la condition d'un faire-valoir salace.