The spy who loved me

J'ai pris le temps de terminer Carte Blanche ce week-end. J'en prépare ma critique. En parallèle, j'ai lu vendredi et samedi un roman "particulier" qui m'a été offert en début de semaine. The spy who loved me. Un titre qui aurait beaucoup mieux convenu au film, et au roman donc, O.H.M.S.S.
Je ne reviens pas sur le titre français "Motel 007" qui est ridicule. On pourrait croire que James Bond s'est reconverti...

Onzième de treize romans, Fleming raconte cette aventure du point de vue de la femme dans l'histoire. Ce roman totalement snobé par les fans et répudié plus tard par l'auteur est LE roman "descriptif" entre tous. Il est devenu en 48 H mon roman préféré. Il a modifié jusqu'à ma vision du personnage et de son auteur. On sent qu'il aurait aimé écrire un roman (ou plus) tels ceux de Somerset Maugham. C'est un roman très Hitchcockien. Il aborde le thriller et le tableau de moeurs. Il est introspectif. Il y a dans le film "Black book" un petit quelque chose de ce roman je trouve...

Vivienne Michel a 23 ans. Fleming situe toujours plus ou moins dans cette tranche d'âge les héroïnes de Bond. Premier point. Bond a tout au long de ses aventures entre 35 et 38 ans en moyenne. Fleming était très mélancolique de sa jeunesse.

Le livre est divisé en trois parties, Bond arrivant assez tard, dans la seconde partie. La première section, qui traite de la vie de Vivienne, antérieure à son poste à la Dreamy Pines où la majeure partie de l'histoire est située, est intitulée "moi".
On fait pleinement connaissance de...l'héroïne.
On apprend également pourquoi et comment elle se retrouve à la réception d'un motel désert dans une région assez peu fréquentée.

La deuxième partie du roman, intitulé "eux", traite le conflit l'opposant à deux gangsters aux noms qu'auraient adoré Chester Himes, Sluggsy Morant et Sol Horror.
Les deux hommes sont à la solde d'un maffieux, Mr.Sanguinetti. Le but est une escroquerie à l'assurance. Les deux hommes ont aussi l'intention très claire de violer Vivienne.

La troisième et dernière partie, "lui", implique l'arrivée de James Bond au motel.

De façon surprenante pour quelqu'un décrit comme ouvertement raciste et misogyne, Fleming a décrit Quarrel comme quelqu'un de compétent et de courageux dans Dr No, très différemment de la façon dont Young l'a fait dans le film. Pareillement, Fleming parvient à se mettre dans la peau de Vivienne, en décrivant ses pensées intimes. Elle explique comment elle a toujours été le jouet des hommes du fait de son impossibilité à différencier l'amour de l'attirance sexuelle...
Soudain, on frappe à la porte et deux voyous qui disent qu'ils ont été envoyés par le propriétaire commencent à la menacer. Les choses sont sur le point de s'envenimer quand surgit une homme dans l'encadrement de la porte. Bond. James Bond.

Fleming fait la description de Bond : "Il mesurait plus d'un mètre quatre-vingt, mince et paraissait sportif. Le visage légèrement hâlé, ses yeux étaient très clairs gris-bleu, (...) il avait l'air clairement dangereux."

Plus tard dans le roman, Fleming donne sans détour accès à la mentalité machiste parfaitement reproduite dans la série Mad Men, due à l'éducation engendrée par la prédominance de l'homme dans la société depuis toujours, à ce qui était clairement admis à l'époque, sur la femme: «Toutes les femmes aiment être prises dans un semi-viol. C'était sa brutalité douce contre mon corps meurtri qui avait fait de son acte d'amour un instant si merveilleux..."

Fleming montre dans ce roman sa conception de l'acte sexuel, ses fantasmes personnels par le biais du personnage féminin. Il tente d'adoucir cette approche brutale, par le fait que la femme se donne à Bond sans avoir explicité son consentement parce que Bond lui plait. 007 la prend de force, elle se soumet à lui là où elle se sentirait violée (à raison donc) par les deux gangsters.
C'est illisible pour une majorité de bigots de notre temps, actualité à l'appui mais dans les faits crus de la psychologie, Fleming ne dit rien d'autre que l'homme est depuis la nuit des temps un dominant (que notre société tente de castrer depuis les années 90...) et que dans l'intimité, une certaine soumission peut donner accès au plaisir partagé sans pour autant renier l'autre en tant qu' individu.
Et puis, finalement, certains livres de la collection féminine "Harlequin" ne parlent-ils pas d'un preux chevalier qui finit par prendre l'héroïne qui se laisse aller depuis le début à des pensées intimes ?

C'est une sorte d'essai à une "autre littérature", littérature plus adulte peut-être à laquelle s'est essayé Ian Fleming. Ce n'est pas un roman à lire comme les autres aventures de 007.
Pour connaitre le dénouement de ce livre au final assez romantique et romanesque, lisez "The spy who loved me"...